Pourquoi l’Afrique doit investir dans les plateformes open source locales?

Pourquoi l’Afrique doit investir dans les plateformes open source locales?
Pour que notre travail prenne de l’ampleur, nous ne pouvons pas scaler sans un large éventail de partenaires et la société civile.
— Seun Onigbinde, co-fondateur de BudgIT, 2018

Et si l’avenir numérique de l’Afrique se jouait dans la transparence du code ?
Face à une facture annuelle de plusieurs milliards de dollars en licences logicielles étrangères, miser sur l’open source local, c’est transformer chaque ligne de code en levier de souveraineté, d’économies et d’innovation.
Investir maintenant dans des plateformes libres, c’est choisir de maîtriser nos données, de créer nos propres standards et de propulser une génération de développeurs capables de répondre aux défis du continent.

Open source? Le terme open source fait référence à des logiciels dont le code source est librement accessible, modifiable et redistribuable. Cela signifie que n’importe qui, des individus aux entreprises, peut examiner, adapter et améliorer le logiciel. Contrairement aux solutions propriétaires fermées où le contrôle est entre les mains de quelques entreprises, l’open source favorise un modèle basé sur la collaboration et le partage de connaissances. L’open source ne se limite pas à des logiciels isolés. Il s’agit d’un véritable mouvement philosophique qui encourage la transparence, la liberté d’utilisation, et l’innovation ouverte. Des géants comme Google, Microsoft ou Meta l'ont compris depuis longtemps : ils intègrent l’open source au cœur de leurs stratégies.

Les principes fondamentaux : liberté, collaboration, transparence. L’open source repose sur quatre piliers essentiels : la liberté d’exécuter le logiciel, la liberté d’étudier comment il fonctionne, la liberté de le modifier et la liberté de le redistribuer. Cela permet à des communautés du monde entier de s’approprier des outils numériques et de les adapter à leurs besoins locaux. En Afrique, ces principes sont cruciaux. Ils permettent à des développeurs, des institutions éducatives et des gouvernements de bâtir des solutions répondant spécifiquement aux réalités du terrain , que ce soit pour gérer les données de santé, les infrastructures éducatives ou les finances locales.

Les avantages économiques et techniques de l’open source:Opter pour l’open source permet de réaliser d’importantes économies. Plutôt que de payer des licences coûteuses à des éditeurs étrangers, les organisations peuvent investir ces ressources dans le développement de solutions locales. Par ailleurs, l’open source permet une grande flexibilité : on peut adapter les logiciels aux langues locales, aux contraintes techniques, ou aux processus spécifiques sans devoir attendre un prestataire externe. Sur le plan technique, les logiciels open source sont souvent plus robustes, testés et améliorés en continu par une communauté internationale. Linux, par exemple, propulse aujourd’hui la majorité des serveurs dans le monde, preuve de sa fiabilité.

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L’enjeu de la souveraineté numérique en Afrique

Dépendance aux technologies étrangères La majorité des pays africains s’appuient encore massivement sur des technologies développées à l’étranger. Que ce soit pour les systèmes d’exploitation, les outils bureautiques, les services cloud, ou les logiciels de gestion, la dépendance est quasi totale. Cette situation pose un problème majeur de souveraineté numérique : la capacité d’un État à maîtriser les données produites sur son territoire. En période de crise, pandémies, conflits, sanctions économiques, cette dépendance peut devenir un handicap stratégique. Les pays sans contrôle sur leurs infrastructures numériques sont vulnérables face aux coupures, aux cyberattaques ou aux décisions unilatérales de fournisseurs étrangers.

https://au.int/sites/default/files/documents/42078-doc-AU-DATA-POLICY-FRAMEWORK-ENG1.pdf

Risques liés à la centralisation des données L’un des dangers majeurs est la fuite massive de données sensibles vers des serveurs situés en dehors du continent. Cela inclut des données de santé, d’éducation, d’administration publique, ou encore d’identité nationale. Ces données peuvent être exploitées à des fins commerciales ou géopolitiques par des entités étrangères, sans réel contrôle africain. L’open source, couplé à des serveurs locaux, offre une alternative puissante pour héberger et sécuriser ces données sur le territoire africain. Il devient alors possible de concevoir des infrastructures numériques résilientes et indépendantes. Un pays comme le Sénégal est un exemple car il détient déjà son Datacenter.

Pourquoi l’open source est une alternative stratégique L’open source est bien plus qu’un choix technologique: c’est une stratégie de développement. En investissant dans des solutions open source locales, les pays africains peuvent bâtir des outils adaptés à leurs besoins, sécuriser leurs données et réduire leur dépendance technologique. Cela ouvre aussi la porte à une meilleure interopérabilité entre systèmes publics africains, à l’image de ce qui se fait en Europe avec le logiciel libre dans les institutions. Ce modèle stratégique renforce également l’autonomie des développeurs africains qui ne sont plus réduits à de simples consommateurs de technologies mais deviennent des acteurs du changement numérique.

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L’impact potentiel sur l’innovation et l’entrepreneuriat africain

Réduction des coûts pour les startups L’un des plus grands obstacles pour les startups africaines est le coût initial des logiciels professionnels. Entre les outils de gestion, les suites de bureautique, les CRM ou les plateformes cloud, les factures peuvent vite devenir insoutenables pour une jeune entreprise. L’open source casse cette barrière : des outils comme Odoo (ERP), Nextcloud (stockage), ou LibreOffice (bureautique) permettent de démarrer sans frais, tout en gardant une grande flexibilité. Cela permet à de jeunes entrepreneurs de se concentrer sur l’innovation, plutôt que sur les coûts. Ils peuvent aussi adapter ces outils à leur contexte local, créant ainsi des produits uniques à forte valeur ajoutée pour leur marché.

Développement de compétences locales En travaillant sur des projets open source, les développeurs africains peuvent se former sur des technologies de pointe, en temps réel et gratuitement. Ils participent à des communautés internationales, collaborent avec d’autres experts et montent rapidement en compétences. C’est aussi un tremplin vers l’employabilité et l’entrepreneuriat. Les universités et centres de formation peuvent également intégrer des projets open source dans leurs cursus, créant ainsi un lien direct entre la formation académique et les besoins du marché. Il y'a l'exemple de l'imminent chercheur Docteur Samuel Ouya de l'Ecole Supérieure Polytechnique de Dakar qui est un précurseur des outils open source dans son enseignement.

Favoriser un écosystème numérique africain L’open source peut devenir la colonne vertébrale d’un véritable écosystème numérique africain. En partageant des ressources, des connaissances et des outils, les pays du continent peuvent co-construire des plateformes communes, favoriser l’intégration économique et créer des standards africains dans des domaines clés comme la santé, l’éducation ou la logistique. Cela passe aussi par la création de hubs tech spécialisés en open source, de conférences locales, et de communautés de développeurs qui collaborent autour de projets d’intérêt public ou privé.

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Exemples de projets open source africains qui ont réussi

Ushahidi (Kenya)
Ushahidi est probablement le projet open source africain le plus emblématique. Né en 2008 au Kenya, à la suite des violences post-électorales, Ushahidi (qui signifie "témoignage" en swahili) a été conçu pour cartographier les incidents de violence grâce aux témoignages envoyés par SMS. La plateforme agrège, visualise et géolocalise les données en temps réel, permettant ainsi une réponse rapide et ciblée.

Depuis, Ushahidi a été utilisé dans plus de 160 pays à travers le monde, pour des situations aussi variées que les tremblements de terre en Haïti, les élections en Inde, ou la surveillance de la COVID-19. Ce succès démontre que l’innovation open source africaine peut rayonner à l’échelle mondiale. Ushahidi est restée fidèle à ses racines open source, en publiant son code et en permettant à d'autres communautés de l'adapter à leurs besoins spécifiques.

OpenStreetMap Africa
OpenStreetMap est un projet global, mais sa déclinaison africaine prend une ampleur considérable. Grâce aux communautés locales, des villes, villages et routes d’Afrique sont cartographiés avec une précision inédite. Des initiatives comme Missing Maps ou HOT (Humanitarian OpenStreetMap Team) collaborent avec des ONG africaines pour améliorer la couverture cartographique dans des zones reculées, cruciales pour les interventions humanitaires.

OpenStreetMap Africa favorise aussi l’emploi local en formant des jeunes à la cartographie numérique, au SIG (système d’information géographique) et à l’analyse de données. Il s'agit d’un bel exemple de technologie libre au service du développement durable.

iHRIS (Ouganda)
Le système iHRIS (Human Resources Information System) est un outil open source développé en Ouganda pour aider les gouvernements africains à gérer les ressources humaines dans le secteur de la santé. Il permet de suivre les affectations, la formation, les qualifications et les besoins en personnel dans les établissements de santé publique.

Déployé dans plus de 20 pays, iHRIS a permis de réduire les coûts de gestion du personnel tout en améliorant l’efficacité des politiques sanitaires. Le logiciel étant libre, chaque pays peut l’adapter à ses spécificités linguistiques, réglementaires ou logistiques. Il montre la puissance de l’open source dans des secteurs critiques comme la santé publique.

Mifos Initiative (microfinance open source)
La Mifos Initiative est une plateforme open source conçue pour aider les institutions de microfinance à mieux gérer leurs opérations. En Afrique, où le secteur de la microfinance est vital pour l’inclusion financière, Mifos permet à des centaines d’organisations de digitaliser leurs services, même avec des budgets modestes.

Des pays comme le Sénégal, la Tanzanie ou le Ghana l’utilisent déjà pour desservir des milliers de clients à faibles revenus. Grâce à son modèle open source, Mifos peut être localisé facilement, intégrant les monnaies locales, les régulations, et même les langues régionales. Elle est soutenue par une communauté active de développeurs et d’ONG.

Autres projets prometteurs récents
Parmi les initiatives montantes, on peut citer :

  • OpenDuka (Kenya) : une plateforme pour l’accès ouvert aux données gouvernementales, visant à promouvoir la transparence et la lutte contre la corruption.
  • Kudi.ai (Nigeria) : une plateforme de chatbot basée sur l’IA, avec des modules open source pour les services financiers en Afrique de l’Ouest.
  • FarmStack (Nigeria) : une API open source conçue pour améliorer l’interopérabilité des données agricoles entre les services agricoles numériques.
  • ViePublique.sn (Sénégal) : plateforme citoyenne indépendante et open-source qui centralise budgets, lois, journal officiel, rapports d’audit, etc., afin de rendre l’information publique facilement accessible et d’accroître transparence et participation civique.

Ces exemples montrent que l’open source africain ne se limite pas aux projets humanitaires il touche aussi des secteurs à fort potentiel commercial et technologique.

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Les défis actuels pour l’open source en Afrique

Manque de financement
Le plus grand frein au développement de l’open source en Afrique reste le financement. Contrairement aux modèles commerciaux classiques où les revenus viennent de la vente de licences, l’open source repose souvent sur des modèles de support, de services, ou de mécénat. Or, ces sources restent encore très limitées sur le continent.

Les gouvernements et investisseurs locaux hésitent souvent à financer un projet dont le code est librement accessible à tous. Pourtant, c’est cette ouverture qui garantit l’indépendance technologique et la pérennité. Il faut donc un changement de mentalité : voir l’open source non comme un produit gratuit, mais comme un socle pour l’innovation.

Faible sensibilisation des décideurs politiques
Beaucoup de décideurs politiques africains ne perçoivent pas encore les enjeux de l’open source. Ils privilégient des partenariats avec des fournisseurs privés internationaux qui proposent des solutions clé en main mais souvent fermées et coûteuses sur le long terme. Résultat : des administrations dépendantes, des budgets engloutis dans des licences et peu d’investissement dans les compétences locales.

Des campagnes de sensibilisation, des formations ciblées pour les cadres publics et une meilleure inclusion de l’open source dans les politiques numériques sont indispensables. C’est un enjeu de souveraineté et de développement économique.

Problèmes d’infrastructure et d’accès à Internet
Enfin, les limitations d’infrastructure (faible bande passante, coupures de courant, etc.) freinent l’adoption des plateformes open source. De nombreux outils nécessitent des serveurs, des connexions stables et du personnel technique pour être maintenus. Cela peut poser problème dans les zones rurales ou sous-équipées.

Il faut noter que des solutions existent: logiciels optimisés pour les connexions lentes, serveurs en edge computing, formations à distance, .... L’open source est parfaitement compatible avec une approche décentralisée et résiliente mais cela nécessite une volonté d’adaptation technologique locale.

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Stratégies pour renforcer l’écosystème open source africain

Soutien gouvernemental et incitations fiscales
Pour que l’open source prospère, les gouvernements africains doivent prendre l’initiative. Cela peut passer par :

  • La création de politiques publiques favorisant les logiciels libres dans les administrations.
  • Des appels à projets spécifiquement destinés à l’open source.
  • Des incitations fiscales pour les entreprises qui développent ou adoptent des solutions open source locales.

Le Sénégal, par exemple, a amorcé une politique numérique ambitieuse ( SN2025, New Deal Technologique) qui inclut la promotion du logiciel libre. Le Maroc, de son côté, a organisé des concours d’innovation open source. Ces initiatives doivent être multipliées.

Rôle des universités et de l’éducation technique
Les établissements d’enseignement supérieur ont un rôle central à jouer. Intégrer des modules open source dans les cursus, organiser des hackathons, soutenir les clubs étudiants de développement logiciel… autant de moyens de cultiver les talents numériques africains dès la formation.

Les écoles de code comme Andela ou Decagon au Nigeria intègrent déjà des projets open source dans leur pédagogie. Les universités classiques devraient en faire autant en collaboration avec les communautés tech locales.

Création de communautés de développeurs locaux
Un projet open source vit grâce à sa communauté. L’Afrique doit encourager la création de communautés locales actives : meetups, forums, blogs techniques, événements open source comme le FOSS4G Africa, LinuxSenegal, ou les Barcamps.

Des pays comme la Tunisie, le Sénégal ou le Ghana ont vu émerger de puissantes communautés de développeurs. Ces groupes créent du lien, partagent des ressources et construisent ensemble l’avenir numérique du continent.

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Le rôle des diasporas africaines dans le soutien aux projets open source

Transfert de compétences
La diaspora africaine représente un immense vivier de talents, notamment dans le domaine du numérique. Beaucoup de développeurs, ingénieurs, data scientists ou chefs de projet africains travaillent aujourd’hui dans des entreprises technologiques en Europe, en Amérique du Nord ou en Asie. Ces professionnels possèdent non seulement des compétences de pointe mais aussi une connaissance culturelle précieuse du continent.

Par le biais de contributions à des projets open source, de mentoring ou de formations en ligne, ces membres de la diaspora peuvent accélérer le développement de solutions locales adaptées. En partageant leur savoir-faire sur GitHub, en intervenant lors de webinaires ou en rejoignant des communautés comme Africa Open Source, ils peuvent déclencher une véritable dynamique d’apprentissage par la pratique.

Investissements et mentoring
Au-delà des compétences, la diaspora peut aussi jouer un rôle clé en matière de financement et d’accompagnement des projets. Les investissements dans des startups technologiques africaines restent faibles mais plusieurs membres de la diaspora commencent à s’impliquer comme business angels ou mentors dans l’écosystème.

En soutenant des projets open source prometteurs, ils participent à créer des solutions pérennes et locales. Par exemple, certaines plateformes comme DiasporaEngager ou AfricArXiv facilitent déjà les connexions entre les talents de la diaspora et les initiatives sur le continent.

Partenariats internationaux open source
Les membres de la diaspora peuvent également faciliter des ponts entre les projets africains et les grandes communautés open source mondiales. Ils peuvent initier des collaborations avec des fondations comme Apache, Mozilla, ou Linux Foundation, ou encore avec des universités et centres de recherche. Ces partenariats permettent aux projets africains de gagner en visibilité, en qualité et en accessibilité.

Des exemples comme CodeAfrique, Afrolynk, Deep Learning Indaba montrent déjà comment la diaspora peut structurer un réseau d’échanges et de soutien autour des technologies open source. C’est un levier stratégique pour accélérer l’adoption du libre sur le continent.

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Comment les plateformes open source locales peuvent créer de la valeur publique

Logiciels pour la santé, l’éducation, la finance et l’agriculture
L’open source peut transformer des secteurs entiers de service public en Afrique. Prenons la santé: des plateformes comme iHRIS ou OpenMRS permettent aux ministères de gérer leurs ressources, suivre les patients, et améliorer la qualité des soins, tout cela sans coûts de licence. Dans l’éducation, des solutions comme Moodle (plateforme LMS) ou Kolibri (pour l’apprentissage hors ligne) sont déjà utilisées dans plusieurs écoles rurales du continent.

En finance, des projets comme Mifos et Mojaloop (soutenu par la Fondation Gates) facilitent l’inclusion bancaire et les paiements numériques dans des régions sous-bancarisées. Et dans l’agriculture, des outils comme FarmStack ou AgriHub permettent de centraliser les données des exploitants pour améliorer les rendements, les prévisions météo ou la commercialisation.

Réduction des coûts des services publics
L’un des arguments les plus puissants en faveur de l’open source est son impact économique sur les finances publiques. En remplaçant des solutions propriétaires par des alternatives libres, les gouvernements peuvent économiser des millions d’euros chaque année. Ces fonds peuvent être réinvestis dans la formation, l’infrastructure ou la recherche locale.

À Madagascar, le ministère de l’Éducation a opté pour des outils open source dans ses écoles publiques pour éviter les coûts des logiciels américains. En Afrique du Sud, la municipalité de Tshwane a migré vers Linux et OpenOffice pour des raisons budgétaires et de souveraineté.

Amélioration de la transparence et de la gouvernance
L’open source joue aussi un rôle de garde-fou démocratique. Des plateformes open data ouvertes et accessibles permettent aux citoyens, journalistes et chercheurs de surveiller les budgets, les marchés publics, ou les élections. Des outils comme OpenDuka, ViePublique, BudgIT ou OpenAFRICA favorisent une gestion plus transparente et participative des ressources publiques.

En rendant les algorithmes, les bases de données et les interfaces publics, l’open source contribue à une meilleure responsabilisation des institutions. Il devient un pilier pour renforcer la confiance entre l’État et ses citoyens.

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Pourquoi les entreprises africaines doivent aussi miser sur l’open source

Flexibilité et personnalisation
Les entreprises africaines, grandes ou petites, font face à des réalités économiques et logistiques uniques. Les logiciels open source leur permettent d’adapter les outils à leurs besoins exacts, langue, devise, réglementation locale, etc. Cela évite les compromis imposés par les logiciels propriétaires souvent conçus pour d’autres contextes.

Une entreprise agroalimentaire au Burkina Faso peut, par exemple, adapter un ERP open source pour suivre sa chaîne de production locale, tout en intégrant des modules de traçabilité, de facturation mobile ou de conformité douanière.

Avantage concurrentiel sur les marchés locaux
En maîtrisant leurs outils numériques, les entreprises peuvent innover plus vite, réagir aux changements de marché et offrir des services plus compétitifs. L’open source donne aussi un avantage dans les appels d’offres publics, où la conformité à des standards ouverts devient de plus en plus exigée.

Des startups comme Paystack (Nigeria) ou Jumia ont utilisé des composants open source pour bâtir leur infrastructure technologique, ce qui leur a permis de croître rapidement à moindre coût. L’open source devient alors un levier de scalabilité et de différenciation.

Indépendance technologique à long terme
L’adoption de solutions open source offre aux entreprises une véritable indépendance. Plus besoin d’attendre une mise à jour d’un éditeur étranger, ni de payer une extension de licence. Les équipes techniques peuvent faire évoluer les outils selon leurs propres priorités.

Cela réduit aussi le risque lié à l’arrêt d’un fournisseur, à une hausse tarifaire imprévue, ou à des contraintes juridiques extraterritoriales. L’open source offre une maîtrise totale des ressources technologiques, essentielle pour la résilience économique.

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L’open source comme moteur pour l’intégration africaine

Partage de ressources entre pays
L’un des plus grands potentiels de l’open source en Afrique est la mutualisation des ressources. Un logiciel développé au Bénin peut être adapté par la Côte d’Ivoire, puis enrichi par le Cameroun. Ce partage permet de réduire les coûts, accélérer le développement de solutions, et éviter la duplication des efforts.

Des réseaux comme l’African Union Open Source Alliance ou l’AfricArXiv promeuvent déjà ce type de coopération technologique régionale. L’open source devient ainsi un pont entre les pays, renforçant leur collaboration économique et numérique.

Standards techniques communs
Le développement de standards ouverts communs est essentiel pour faciliter les échanges de données entre les systèmes nationaux. Par exemple, un standard open source pour les dossiers médicaux peut permettre à un patient de consulter dans plusieurs pays de la région avec un suivi harmonisé. Il en va de même pour les douanes, les statistiques ou l’enseignement.

Les logiciels libres encouragent cette standardisation, car leur code est accessible à tous. Cela facilite l’adoption de normes panafricaines dans des domaines clés du développement.

Plateformes régionales collaboratives
On peut imaginer à moyen terme des plateformes open source africaines pour la santé, la justice, l’administration publique ou le commerce. Ces plateformes pourraient être cofinancées par plusieurs pays, maintenues collectivement, et adaptées à chaque contexte local.

Un embryon de cette vision existe déjà avec des projets comme OpenAFRICA ou Smart Africa. Il faut maintenant les structurer à plus grande échelle pour renforcer la compétitivité numérique du continent.

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Le futur des plateformes open source africaines

Vers un cloud souverain africain ?
L’un des enjeux majeurs pour l’Afrique numérique, c’est la maîtrise de ses données. Aujourd’hui, la majorité des données générées sur le continent sont stockées sur des serveurs étrangers : aux États-Unis, en Europe ou en Asie. Cela expose à des risques juridiques, économiques et de cybersécurité. Pour y remédier, plusieurs initiatives émergent autour de la création d’un cloud souverain africain.

Un cloud souverain basé sur des technologies open source offrirait aux pays africains la possibilité de stocker, traiter et protéger leurs données sur leur propre territoire, en toute indépendance. Des outils comme OpenStack ou Nextcloud peuvent servir de base à ce type d’infrastructure. Des pays comme l’Afrique du Sud ou le Rwanda explorent déjà cette voie mais il faut une volonté politique plus large pour la généraliser.

Intelligence artificielle et open data en Afrique
L’open source joue également un rôle clé dans le développement de l’intelligence artificielle (IA) en Afrique. En mettant à disposition des modèles, des bibliothèques et des jeux de données en open data, les développeurs africains peuvent construire des IA adaptées à leurs réalités linguistiques, culturelles et économiques.

Des projets comme Masakhane (NLP africain) montrent comment l’open source peut être utilisé pour créer des traducteurs automatiques en langues locales. D’autres initiatives, comme Zindi, utilisent des plateformes collaboratives pour résoudre des problèmes locaux via l’IA, dans l’agriculture, la santé ou la finance.

L’open source devient ainsi un moteur de démocratisation de l’IA en Afrique, en rendant les outils et les données accessibles à tous.

Potentiel de croissance à l’horizon 2030
À l’horizon 2030, les plateformes open source pourraient transformer radicalement le paysage technologique africain. Elles peuvent devenir la base des systèmes de santé publique, d’éducation numérique, de commerce électronique, de cybersécurité et même de gouvernance locale.

Pour atteindre ce potentiel, il faut dès maintenant créer les conditions favorables: former les talents, soutenir les projets, financer les infrastructures et faire évoluer les politiques publiques. L’open source est une opportunité immense mais elle nécessite une vision stratégique partagée par tous les acteurs, gouvernements, entreprises, développeurs, société civile et diaspora.

L’Afrique est à un tournant numérique. En choisissant l’open source comme pilier de sa transformation technologique, elle peut non seulement renforcer sa souveraineté mais aussi accélérer l’innovation locale, réduire les coûts, créer de l’emploi et bâtir un futur numérique durable.

Les plateformes open source africaines ne sont pas de simples alternatives économiques: elles sont un levier puissant pour reprendre le contrôle, bâtir un écosystème numérique propre et faire émerger une nouvelle génération d’innovateurs africains. Le moment est venu d’investir, de collaborer et de construire ensemble cet avenir.

TakkJokk,